De la réglementation des Agences de Voyages

La Loi

La profession d’agent de voyage au Maroc est réglementée depuis 1966 par des lois qui fixent les règles d’exploitation d’une agence de voyages. Au fil des années, ces lois ont évolué en fonction de l’orientation de la politique touristique du Royaume.

Ainsi, la loi 565-66 des agences de voyages qui a déjà été remaniée en 1976 (Loi 1-76-395) puis en 1996 ( Loi 31-96) s’apprête à un nouveau toilettage en cette année de grâce 2016 avec un nouveau projet ( loi 11-2016) sensé projeter la profession d’agence de voyage dans l’univers du Web 3.0 et l’ère de la digitalisation.

Cette initiative est plus que louable au vu des mutations que subit le secteur, mais tellement utopique face à l’économie collaborative qui fait de la désintermédiation son unique objectif. Je veux parler par là d’UBER, VIATOR, AIR BNB et autres plateformes dite collaboratives.

Cette refonte de la loi des agences de voyage est prévue depuis la signature de CPN Vision 2010, mais elle n’a jamais pu aboutir faute d’une véritable réflexion qui doit être portée par les professionnels et accompagnée par le Ministère de Tutelle.

Il y a bien eut une tentative en 2007 initiée par Le Ministre de l’époque en fin de mandat lui aussi, avec l’aide d’un cabinet international qui avait mené une étude intéressante dont l’objectif final devait générer des idées et identifier des business modèles soutenables sans pour autant faire du Copier Coller, mais tenter de l’enrichir avec toute opportunité spécifique et innovante pour le Maroc.

Cette initiative a malheureusement été avortée par une minorité qui ne souhaitait rien changer à l’existant, y trouvant son compte, et une grande majorité obnubilée par la rente du hadj et de la Omra au point d’occulter complètement le Tourisme et de fait devenir hermétiquement close à toute reforme.

Pour revenir à ce nouveau projet de loi, concocté rapidement, sans réelle concertation et qui risque malheureusement d’être adopté, il y a beaucoup d’inconsistance et ne répond en rien aux exigences du tourisme marocain, surtout en cette période très difficile que nous traversons et dont on ne voit pas l’issue.

Si on se réfère à la note de présentation qui promeut un système inclusif, fluide, flexible et sécurisé, on est tenté de croire en une réelle révolution du métier d’agent de voyage. Or, la lecture du texte de loi proposé ne reflète en rien ce qui a été annoncé, et semble tout au plus effleurer le sujet sans jamais approfondir.

Concernant la Gradation du système de licences, ce n’est pas une nouveauté, cela existait déjà dans la loi 1-76-395 qui prévoyait déjà des agences productrices ( Réceptifs) et des agences distributrices ( Billettistes) mais proposant exclusivement des prestations touristiques. Le fait aujourd’hui d’autoriser les agences B à exercer sans obligation d’exclusivité est à mon avis le meilleur moyen de galvauder la profession d’agent de voyage.

Ainsi, on pourra ouvrir une officine et y vendre de tout, une sorte de kiosque à journaux, bureau de tabac, vente de billet de loterie, cartes à puces pour Smartphones, glaces, cartes postales, timbres et occasionnellement du voyage.

Dans une grande surface ou une aire de repos sur l’autoroute, la loi permettra l’ouverture de points de vente voyage sans aucune qualification et surtout sans aucun contrôle de la prestation proposée au client, car je ne vois pas comment on pourra contrôler demain une multitude de points de ventes. On voudrait paupériser la profession qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Il faudrait maintenir l’exclusivité et ouvrir la profession vers la vente de services liés au tourisme et aux loisirs: contrats d’assurances voyages par exemple qui n’est pas autorisée aujourd’hui, billets de spectacles, billets d’évènements culturels et sportifs, excursions sous la responsabilité d’organisateurs contractuels.

Pour la vente online et à distance, la loi ne doit pas être restrictive aux seules agences nationales, mais également les agences online étrangères qui opèrent sur le territoire national sans se conformer aux lois en vigueur notamment en terme de fiscalité et de règlementation des changes.

C’est sur ce segment spécifique qu’il va falloir légiférer pour une meilleure compétitivité des agences de voyages nationales. Est il possible d’exiger des agences online étrangères d’avoir une domiciliation sur le territoire national et par là l’obligation d’avoir une licence marocaine ?

Pour les conditions d’accès à la profession d’agent de voyages, il est important d’avoir une formation selon que l’on soit en front ou en back office et cela doit être une exigence qui a été partiellement occultée dans ce projet de loi 11-16.

Une connaissance du produit est requise pour les agences B, ce qui nécessite l’organisation de voyages de familiarisation et la mise en place du E learning qui permettra d’authentifier la formation au métier de la vente du voyage, sanctionnée par au minimum un certificat d’aptitude.

Pour les licences du Type A, un Bac +3années à l’ISIT ou tout école de commerce qui propose une licence équivalente. Les lauréats de ces écoles seront nécessairement formé aux méthodes de l’économie digitale et pourront mettre en œuvre leurs acquisitions pour développer ces fameuses plateformes avec les applications qui vont avec.

Maintenant, il s’agit de savoir quel type d’agence de voyage nous souhaiterions développer pour faire la promotion de notre destination à l’ère de la révolution numérique qui privilégie le canal digital comme mode de communication incontournable.

La licence de type A devrait répondre à cette attente et nous permettre de développer des agences nouvelle génération avec une production et une distribution online, destinée à une clientèle étrangère mais aussi nationale. Ce type d’agence devra se doter de profils spécifique à même de developer des plateformes B to B et B to C.

Il est clair que les agences de type B, seront plus spécialisées dans la distribution et devront répondre à une demande interne que cela soit en matière de tourisme domestique ou de vente de séjour à l’étranger y compris le hadj et la Omra mais il faut savoir qu’elles sont d’ores et déjà frappées d’une obsolescence programmée avec la montée en puissance du digital. C’est ce qui est arrivé aux téléboutiques avec l’arrivée du téléphone mobile.

Quand à l’attribution des licences d’agences de voyages, il y a ceux qui pensent que la décision devrait être prise à l’échelon régional et prendre en compte la densité des agences par rapport au marché. Ce qui impose une régulation. Cette alternative serait en cohérence avec la régionalisation avancée, mais encore une fois, il ne faut pas oublier que nous nous dirigeons de plus en plus vers une dématérialisation et que demain une agence de voyage peut être hébergée aux Iles Caïmans et opérer au Maroc par la grâce d’internet. Dans ce cas, a t elle besoin d’une licence marocaine pour exercer ?

Devant autant de réalité, on est en mesure de se poser la question sur le bien fondé d’une tel projet de loi qui n’apporte à mon humble avis aucune amélioration par rapport à la loi actuelle et ne se projette pas dans l’avenir de notre profession. Aussi, il serait souhaitable d’y surseoir et de lancer une véritable réflexion.

Le texte en avant projet proposé sur le site du SGG appelle à nos commentaires en ligne et ce jusqu’au 18 Juillet avant son retour au Conseil du Gouvernement et son introduction au niveau des deux chambres du parlement.

Alors à vos claviers si vous voulez vraiment changer le cours des choses et prendre votre destin en main.

En attendant, je vous souhaite une bonne fin du Ramadan.

Author: Fouzi ZEMRANI

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4 Comments

  1. Nous saluons chaleureusement l’initiative par laquelle on tend à revoir le projet de loi régissant les agences de voyages au vu des nouvelles exigences du marché. Cependant, la démarche entreprise nous laisse perplexe.
    Si nous, les professionnels, sommes nullement invités à apporter notre expertise afin d’améliorer la réglementation qui cadre notre métier et censé, sans aucun doute, établir aussi bien nos obligations mais aussi nos droits, qui pourra le faire ?
    Après lecture et analyse du nouveau projet de loi tout en établissant une étude comparative avec la loi en vigueur, nous relevons des incompréhensions et des anomalies flagrantes qui mettent clairement en péril notre métier. En effet, d’un point de vue global, ce nouveau projet de loi nous laisse penser qu’on tend à croire que la pratique de notre métier se fait avec bien d’aisance où n’importe qui sans expérience ni formation spécifique peut vendre le voyage. Alors que la réalité est tout autre. Cette approche minimaliste du métier de l’agent de voyages banalise clairement cette profession menant par la force des choses à une précarité puis à une disparition graduelle.

    Par ailleurs, bien que l’actuelle loi ne corresponde plus tout à fait, aujourd’hui, aux réalités du marché dans une économie sans cesse changeante, il faut, toutefois, veiller à préserver les droits fondamentaux de la profession et mettre tout en oeuvre pour que le changement n’affecte nullement l’environnement professionnel bien meurtris, à mon sens, par la conjoncture globale du secteur.
    La mise à jour de la loi qui régit les agences de voyages est indispensable étant donné que l’actuelle a servi son époque et a aidé, sans aucun doute, au développement du secteur. Mais le contexte a évolué et notre cadre professionnel doit s’adapter et répondre aux défis du monde moderne basé sur la nouvelle technologie. Une mise à niveau des opérateurs existants certes s’impose mais ne faut il pas prendre en considération dans le nouveau texte de loi ce volet technologique pilier fondamental garant d’une prise en considération élargi mais surtout réaliste du marché ?
    D’autres part, en optant pour le système de licences différenciées, nous comprenons que bon nombre de points de vente physiques vont voir le jour. Alors qu’à l’aube d’une ère qui tend vers la dématérialisation, on conçoit une loi qui va à l’encontre de la nouvelle donne vers laquelle s’oriente le marché et qui est vouée à mourir avant même qu’elle ne voit le jour. Aussi c’est un projet de loi qui pense beaucoup plus à la distribution du produit touristique sans pour autant penser à la base, à l’essence même qui donne naissance au service touristique. Si la base et par là je parle des agences « de type A » est fragilisée non seulement par la conjoncture, la concurrence déloyale de la part d’opérateurs étrangers qui bien des fois n’ont pas le droit d’exercer et pourtant opèrent en toute tranquillité sous prétexte qu’ils présentent des concepts nouveaux à succès sans oublier l’informel qui sévit de plus en plus prenant différentes formes et trouvant refuge dans le digital, comment donc ce nouveau modèle peut il présenter un quelconque succès?
    Aussi, si jusqu’ici la juste application du texte de loi actuel posait réellement problème, comment garantir un système de contrôle efficient alors qu’avec des conditions peu restrictives pour avoir des licenses de type B, nous imaginons que des points de vente vont pousser comme des champignons un peu partout.
    Avec ce nouveau projet de loi les risques pour le consommateur national et international sont évidents. Comment garantir un soupçon de crédibilité en l’absence d’un siège social? Comment permettre à des agents sans aucune exigence d’expertise même minime s’adonner à la vente du voyage alors que le métier est basé essentiellement sur le conseil?
    S’il fallait émettre des recommandations à prendre en compte dans le nouveau texte de loi, elles s’articuleraient autour des points suivants:
    Insister sur le volet Technologique: Pour être en accord avec l’évolution des marchés et les nouvelles tendances du comportement du consommateur face à l’achat du produit touristique, intégrer dans le texte de loi une composante technologique obligatoire pour les agences qui renforce leur présence sur internet. Pour cela, il est essentiel de penser à un volet au niveau de la réglementation qui cadrera la pratique de la profession sur internet et plus particulièrement des règles qui régiront la communication, la promotion et la distribution du produit touristique sur le digital.
    Intensifier la gravité de l’informel: Veiller à la juste application des textes de lois par un contrôle strict et rigoureux réduisant les marges de manœuvres de l’informel en accentuant les amendes et en créant des unités de contrôle plus efficientes, permettant éventuellement d’intégrer l’informel dans le formel et générant par conséquent des emplois supplémentaires.
    Revoir la formulation des textes: Etablir une formulation claire et précise des textes de lois ne laissant aucune brèche à d’éventuelles interprétations quant à la pratique de la profession.
    Instaurer de nouvelles conditions nécessaires à la commercialisation de la destination: Afin de garantir un environnent sain et une concurrence loyale entre tous les opérateurs des marchés en laissant les mêmes chances à l’ensemble des agences face à la concurrence accrue d’opérateurs étrangers. Serait-il utopique d’exiger d’ouvrir des antennes au Maroc à condition qu’ils soient autorisées pour pratiquer ou s’adjoindre au concours des agences locales spécialisées dans la fabrication et la commercialisation des produits et à la promotion de la destination.
    Recadrer les rôles et les responsabilités des opérateurs actuels: Avant de penser « distribution », il est important de renforcer et soutenir les producteurs et organisateurs du produit touristique. Il sera primordial de revoir le rôle des agences de voyages existantes en prenant en considération les multiples subdivisions qui caractérisent de nos jours l’activité (Receptif, MICE, Tourisme religieux, Outgoing…), mettre sur pied de nouvelles organisations et de nouveaux programmes pour accompagner les opérateurs légaux actuels afin d’effectuer ce passage nécessaire au virtuel. Une fois la conversion effectuée, les agences seront contraints d’investir dans NTIC, (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), recruter des profils aptes à les aider à gérer ce nouveau volet de leur activité et ainsi permettre un cadrage plus strict de l’activité et une définition plus claire des responsabilités face au consommateur.

    Etant donné que le tourisme joue un rôle fondamental dans la création de valeur, de croissance et d’emplois dans notre pays, une législation claire, detaillé et complète qui traduit et reflète parfaitemenet la réalité du secteur est devenue primordial. A cet effet, un vrai débat s’impose pour échanger et étudier avec les interlocuteurs clés de la profession car nous ne voulons nullement une loi qui ne fera que colmater les brèches d’une réalité bien plus perplexe, nous sommes plus pour une réglementation qui va recarder le secteur permettant une pratique loyale de notre métier.

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  2. A quoi servirait un tel ou tel projet de loi ou instaurer une nouvelle loi si sur le terrain la réalité est contraire aux textes …L’anarchie est totale et tout le monde est au courant de ce qui se passe et un simple citoyen est devenue par la force des choses un AGENT DE VOYAGE PAR EXCELLENCE organisant tout sans qu’il soit inquiété …Sincèrement on est fatigué des beaux discours , de nouvelles loi etc … surtout si celles ci restent au fond d’un tiroir et ne serviraient qu’à ceux qui l’ont instaurés …A mon humble avis , les professionnels agents de voyages doivent être consultés et faire partie intégrante pour la mise à jour de projets de loi ou les rafraîchir car eux seuls connaissent la vraie réalité de ce secteur et sentent dans l’os le mal qu’ils subissent chaque jour …J’aurais bien aimé que nos politiciens pensent à élaborer une loi sur Un Citoyen Modèle Ou un Modèle Citoyen …

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  3. Analyse claire élucide de la situation juridique, mais il ne faut pas oublier non plus les riads qui font de l’évènementiel, les guides de montagnes qui montent la totalité des prestations aboutissant à la montagne, les concierges d’hôtels et les chauffeurs de minibus créant et gérant leurs propres circuits, les agents immobiliers qui font aussi des excursions etc….. bref du grand n’importe quoi !! mais a t on jamais écouté es voix et les recommandations des professionnels, ceux qui sont sur le terrain, même si on les « consulte » pour avoir l’air de … !! Remettons à l’ordre du jour le vieux proverbe : chacun son métier et les vaches seront bien gardées!! et nos clients seront contents car bien traités avec un minimum de respect, ce qui n’est pas vraiment le cas en ce moment entre les chauffeurs de taxis qui ne mettent pas leurs compteurs, les prix pratiqués dans les boutiques de la médina, ou dans de nombreux restaurants , qui n’ont rien à voir avec la qualité du produit,et cette habitude du « marchandage obligatoire » qui a fini par lasser les clients qui ressentent bien le côté « dindon de la farce’ …Bref, en plus de la remise en ordre des textes, il y a aussi un gros travail à faire dans la tête et le comportement de l’ensemble des intervenants dans ce domaine si sensible du Tourisme. L’Angleterre vient de nous remettre dans la zone verte des pays sûrs, à nous de ne pas faire fuir les clients pour d’autres raisons …..

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  4. La loi 31/96 telle qu’elle est faite aujourd’hui avait besoin d’être réaménagée pour se conformer aux différentes mutations et orientations qui nous sont imposées par la mondialisation et la globalisation. L’arrivée rapide des nouvelles technologies, le développement à outrance des réseaux sociaux font que certaines lois et réglementations avaient besoin d’une mise à jour. Mais, pas n’importe comment !
    Les recommandations que certains voyagistes ont faites au ministère n’ont pas été pris en considération puisque le texte déposé au SSG est le même que celui proposé par une personne, un organisme ou un parti politique qui, apparemment, ont fait du copier/coller sur des lois qui existent ailleurs.
    Pour le moment, nous sommes tous des agences de catégorie « A » et cela n’a dérangé personne, sauf les « On Liners » pour lesquels la solution était de se conformer aux textes de loi existants.
    Le projet tel qu’il est proposé et que l’aménagement de la loi dans ce sens va créer une confusion dans l’esprit de nos clients étrangers et locaux. Donc, pourquoi ne pas prévoir une labellisation comme c’est le cas pour les opérations « Haj » pour ne parler que de notre secteur ?
    Il serait donc plus judicieux de se donner plus de temps pour étudier ce projet et surtout écouter les recommandations des professionnels qui sont, à mon avis, les plus concernés.

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